Sortie photo en montagne

Publié le par Eric Breyton

Sortie photo en montagne

Dimanche matin, 5h30, le réveil n’a pas eu le temps de sonner, je suis déjà debout, il fait nuit mais on devine bien la brume dehors, il va falloir monter au dessus de cette couche nuageuse.

Le petit déjeuner est vite avalé, le sac est prêt depuis hier soir ; le brouillard est dense sur la route de montagne.

Enfin arrivé, j’enfile les guêtres et me voila parti pour une heure de montée à travers la forêt, il fait nuit mais la lune est haute, on y voit assez pour marcher, je préfère éviter d’allumer la frontale.

Par contre la neige est bien gelée, elle craque sous les pas, ça va compliquer les approches.

Il ne fait pas trop froid, je ne sens pas le vent sous les arbres. La montée me réchauffe et très vite je transpire, une couche de polaire est en trop : elle va remplacer le boîtier dans le sac. Je vérifie mes  réglages et me cale à 800 ISO. Pour le moment il fait trop sombre et je fais trop de bruit pour espérer faire une image correcte mais j’aime autant être prêt.

Un oiseau piaille dans le bois, comme un poussin qui cherche sa mère. Aucune idée de ce que ça peut être, je me promets de chercher dans le guide, je rêvasse à une chevèchette sans y croire vraiment, pendant ce temps les kilométres passent plus vite.

Au débouché de la forêt je m’arrête en lisière, la lumière de l’aube monte doucement, le vent vient du nord est. Cela m’arrange car c’est dans cette direction que je voulais me diriger.

Re réglages du boîtier à 400 ISO, je dégage le bas des oreilles du bonnet pour mieux entendre et je m’avance à découvert, je n’ai pas fait vingt mètres que je surprends une femelle chamois en contrebas du sentier. Elle m’a bien sûr entendu avec cette neige gelée, je me fige aussitôt et le boîtier est dans mes mains avant que je n’aie eu le temps d’y penser, un vrai Lucky Luke !

Il faut dire que la toile fixée sur ma poitrine aux sangles du sac est vraiment pratique pour ce genre de situation. Elle maintient le boîtier pendant la marche, équilibre le sac et les fermoirs me laissent un accès très rapide à l’appareil

Assez d’autosatisfaction ! La femelle n’est pas contente, elle souffle plusieurs fois dans ma direction, je prends quelques clichés et je comprends pourquoi très vite, elle protége le départ de ses petits, un éterlou et un cabri de l’année.

 Ils traversent le pré en contrebas, l’éterlou en premier, le jeune suivant prudemment. La chèvre les laisse atteindre les arbres et s’élance pour les rejoindre -une belle course de 50 mètres- puis elle s’arrête en lisière.

Elle a juste rétabli sa distance de sécurité, ce n’est pas la peine de dépenser plus d’énergie que nécessaire !

 

 
 

 

Je continue ma route dans la brume et soudain sept chamois dont trois femelles adultes traversent le chemin 100 mètres devant moi

Ils sont trop loin et bien trop rapides pour moi. Un autre animal reste arrêté au dessus du chemin mais je n’ai aucune possibilité d’approche discrète. Il m’a vu malgré la brume  et je décide d’avancer sur le chemin tout en sachant qu’il il va sans doute aller rejoindre la chevrée.

C’est bien ce qu’il fait. Les photos m’apprendront que c’est un mâle à son pinceau pénien.

 

Il y a trop de nuages pour faire de bonnes images, je vais laisser cette chevrée tranquille et essayer de trouver le soleil un peu plus haut.

En contournant un sommet par l’Est je découvre plusieurs traces de Maître Goupil, au moins 4 voies différentes. J’aimerais bien surprendre l’animal, surtout à cette période de l’année, il doit être encore bien gras et son pelage bien épais.

Mais ce n’est pas en restant planté là à découvert que ça risque d’arriver !

Un peu plus loin une crotte me conforte dans mon identification.

Je décide d’attendre le soleil qui devrait bientôt percer la couche nuageuse. Un rocher et un rhododendron appuyé contre feront un bon poste d’affût.

Je pose le sac, glisse la housse du filet sous mes fesses en guise de coussin, sort le monopode et la housse antibruit et écoute les bruits de la montagne, confortablement installé à l’abri du vent.

Pas grand-chose à se mettre dans les oreilles et ce soleil qui ne perce pas !

Ma visibilité est réduite à vingt mètres. Je me console en me disant que les animaux sont logés à la même enseigne et que je devrais les entendre approcher avec cette croûte de neige gelée qui se brise sous les pas.

Une heure plus tard, toujours aucun mouvement, il est urgent de se faire un bon thé chaud et de réfléchir à la conduite à tenir. Le thé avalé, je décide de monter encore pour trouver enfin un peu de lumière au dessus des nuages.

Le vent du sud des jours derniers a sculpté des glaçons au bout de chaque aspérité du terrain, chaque pas déclenche une mini avalanche. On dirait que je marche sur du verre brisé, quelle discrétion !

 

 

Un léger replat, du bruit sur ma gauche : je mets un moment à comprendre que c’est le soleil sur le haut de la falaise qui fait fondre des glaçons. Ils produisent un joli son cristallin en glissant dans la pente. Encore un effort et je déboucherais au soleil !

 

Soudain sur ma droite une silhouette se détache brièvement dans la brume qui s’effiloche lentement.

Je tombe à genoux aussitôt dans la neige. Il m’a sans doute vu, il faut vite casser ma forme humaine.

Ensuite ne plus bouger, pas un mouvement tant que l’animal regarde dans ma direction ; ça peut durer, les chamois, car c’est un chamois, sont patients.

La brume n’en finit pas de bouger, par moment je ne le vois plus du tout. Je profite d’un de ces instants pour m’allonger et m’accouder sur les bâtons posés en travers qui me fournissent un appui solide dans la neige.

Le soleil se montre un peu plus haut, j’aperçois des lambeaux de ciel bleu !

Le jour blanc commence à me brûler les yeux et mes lunettes de soleil sont dans mon sac encore sur mon dos !

Tant pis je pose le sac : de toute façon c’est ça ou fermer les yeux !

La femelle ne bouge pas, je dois lui sembler inoffensif allongé comme ça.

 

 

Toute une chevrée est installée sur la pente cinq ou six jeunes éterlous et cabris et deux femelles. Je prends quelques clichés entre les bancs de nuages tout en cherchant vainement une autre femelle : le nombre de jeunes me semble bien élevé pour seulement deux femelles.

 

 

 

Les jeunes ne sont pas vraiment craintifs. La femelle est entre la troupe et moi. Une autre est placée au dessus comme je l’ai souvent observé lors d’autres approches dans ce secteur. Tout le monde broute plus ou moins les touffes d’herbes qu’ils ont réussit à dégager de la neige.

 

 

 Je découvre enfin la femelle qui me manquait, elle est un peu sur ma droite, elle devait être allongée derrière un repli de terrain.

Elle aussi m’a aperçu, elle se demande manifestement quel est ce truc en tenue camo allongé dans la neige.

Elle se le demande tellement qu’elle décide d’en avoir le cœur net et entame un petit mouvement tournant qui l’amènera à bon vent.

J’ai juste le temps de me tourner sur la droite et elle débouche à dix mètres derrière une crête.

Quelques photos et la voila qui s’arrête net, elle a trouvé mon odeur et ça ne lui plait pas, désolé mignonne, je ne sens pas le mâle en rut !

 

 

Elle fait demi tour tranquillement et repart vers la chevrée, je ne sens pas bon d’accord mais je ne représente pas une menace immédiate.

La chevrée s’éloigne lentement vers une crête qui la cachera à mon regard.

Deux cabris se poursuivent en jouant, signe que je n’ai pas trop perturbé leur matinée.

 

 

Je décide de ne pas les suivre, j’ai fait quelques photos malgré les nuages et puis je préfère les laisser tranquilles plutôt que de déclencher une fuite effrénée qui serait un gaspillage d’énergie.

Plus tard je croise encore un autre chamois en contrebas sur une vire, je ne suis pas à bon vent, il m’a vu et entendu. Je décide de contourner un mouvement de terrain pour revenir à bon vent et derrière les arbres.

Je me cache derrière un épicéa, bien assis sur un rocher et j’attends, je l’observe depuis mon abri derrière les branches.

Il sait que quelque chose est là mais ne fait pas un mouvement.

 Il a une drôle de tête, assez anguleuse, et un pelage qui ne me semble pas très fourni, je scrute attentivement tout autour de lui pendant au moins dix minutes, je n’ai jamais vu de chamois solitaires dans ce coin, cela m’étonnerait que celui-ci soit tout seul.

Et soudain je vois une forme ronde derrière un arbre, à trois mètres sous le premier ! C’est un chamois, il est couché et me tourne le dos, plus tard je verrais sur les photos qu’il a une corne cassée.

Aucun des deux ne bouge autre chose que la tête, je voudrais bien qu’ils se déplacent, pour faire quelques photos sur cette falaise, mais ils sont bien là, c’est l’heure de la sieste, la pause syndicale du chamois !

 

 

On reste presque une heure ensemble en bougeant le moins possible, je suis bien assis, ils sont bien installés, je ferais des photos dynamiques une autre fois.

C’est mon estomac qui me rappelle qu’il est midi, alors je m’éloigne lentement, je verrais aux jumelles après manger qu’ils n’ont toujours pas bougé !

Je croise encore une chevrée en entamant la descente, peut être la première que j’avais aperçue ce matin. Mais ils m’ont entendu et je suis dans le vent : ils disparaissent dans la forêt.

 

 

Je ramène quelques images sympas, plus dans les yeux que sur la carte mémoire mais ça valait le coup de se lever avant l’aube.

Eric

Publié dans Balades et affûts

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M
ça valait le coup en effet, ùerci pour le partage !
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